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Cabinet LDG

CHERCHEZ L’AUTEUR … DU CONCEPTEUR A L’EXECUTANT L’ AFFAIRE DANIEL DRUET / MAURIZIO CATTELAN

De Michel-Ange à Rodin, tous les grands artistes ont su s’entourer d’élèves et collaborateurs talentueux, qui participaient pleinement à la réalisation d’œuvres de Maîtres, sans toutefois s’en considérer auteurs, ni revendiquer les droits et privilèges attachés à ce statut.


Cette tradition se perpétue encore aujourd’hui, notamment chez les artistes contemporains prolifiques à succès, mais il arrive plus souvent que leurs collaborateurs entendent bénéficier pleinement du succès des œuvres auxquelles ils ont participé.


Le droit d’auteur leur offre cette possibilité, puisqu’il garantit aux auteurs d’œuvres de l’esprit originales des droits moraux, tels que le droit au respect de leur nom, de leur qualité et de leur œuvre, ainsi que des droits patrimoniaux, qui leur permettent d’autoriser ou d’interdire les exploitations de leurs œuvres et d’en tirer profit en proportion de leur succès.


C’est dans ce contexte que Daniel Druet, talentueux artiste ayant sculpté de nombreux bustes en cire exposés au Musée Grévin à Paris, a demandé au Tribunal judiciaire de Paris de le déclarer seul auteur de plusieurs œuvres d’art contemporain vendues sous le nom du célèbre artiste italien Maurizio Cattelan, mais composées de bustes que Daniel Druet avait sculptés.


Ces œuvres, dont les mises en scène provocatrices avaient été imaginées par Maurizio Cattelan, et dont l’exécution avait été confiée à Daniel Druet, ont connu un immense succès international.


A titre d’exemple, l’œuvre intitulée « Him » représentait Adolphe Hitler en repentant, à genoux en train de prier et l’œuvre « La Nona Ora » représentait le pape Jean-Paul II écrasé par une météorite.


Pour trancher ce litige, le Tribunal judiciaire de Paris devait donc déterminer qui, du concepteur des œuvres, Maurizio Cattelan, qui les avait imaginées et en avait conçu les mises en scène dans une configuration singulière, ou de son exécutant, Daniel Druet, qui en avait sculpté les bustes, devait en être considéré comme l’auteur ?


Par jugement du 8 juillet 2022, le Tribunal judiciaire de Paris (TJ Paris 3ème chambre 2ème section, RG 18/05382) n’apportait pas de réponse tranchée à cette question, puisqu’il déclarait les demandes de Daniel Druet irrecevables, mais pour des raisons purement procédurales.


Toutefois, le Tribunal retraçait le cheminement intellectuel à emprunter pour répondre à cette question, en rappelant une décision de la Cour de justice de l’Union Européenne selon laquelle « la notion d’œuvre suppose l’existence d’un objet original, création intellectuelle propre à son auteur dont elle reflète la personnalité au travers de choix libres et créatifs, qui soit identifiable avec suffisamment de précision et d’objectivité, excluant les sensations intrinsèquement subjectives » (CJUE, 12 décembre 2019, C-683/17, Cofemel, pts 30, 32, 35).


Cela signifie que l’auteur de toute œuvre originale, qui exprime sa pensée sous une forme tangible, au travers de choix libres et créatifs propres à son auteur et qui imprègnent ainsi son œuvre de l’empreinte de sa personnalité, peut bénéficier de la protection du droit d’auteur, du seul fait de sa création et sans autre formalité.


En revanche, si l’œuvre a été réalisée sous le contrôle et les directives d’un tiers, de sorte qu’elle ne reflète que la personnalité du tiers qui l’a conçue et en a dirigé l’exécution, et non celle de son exécutant, ce dernier ne peut pas revendiquer de droits d’auteur.


Diane Loyseau de Grandmaison – Avocat au Barreau de Paris – Membre de l’Institut Art et Droit Article rédigé pour le site Internet https://www.justice-en-ligne.be/


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